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Deux extraits de « Amusing Ourselves to Death »

Temps de lecture / Reading time : 5 minutes.

En ce moment je lis (tant bien que mal car trop lentement) Amusing Ourselves to Death, de Neil Postman.

Oui, je le fais un peu après tout le monde — le livre a été publié en 1985. Une seconde édition est parue 20 ans plus tard, en 2005, avec une préface du fils du désormais feu l’auteur, qui écrit « Can such a book possibly have relevance to you and The World of 2006 and beyond? I think you’ve answered your own question. » Et en 2013, ma foi, ça marche toujours.

Pour tout vous dire, la première fois que j’ai entendu clairement parler de ce livre, c’est au travers de ce court récit dessiné par Stuart McMillen, mettant en image les mots Neil Postman. Si vous ne l’avez pas lu, je vous l’invite à le faire, maintenant : c’est très court, et frappant.
Après l’avoir lu, je l’ai ajouté à ma liste Amazon, et il est arrivé chez moi à l’occasion du Secret Santa Reddit pour Noël 2011, accompagné d’une édition de Brave New World de Huxley — une occasion de me replonger dans ce classique.

Sous-titré « Public discourse in the age of show business », ce livre explore la chute dramatique de l’importance du « fond » du discours public, remplacé par l’omniprésence de la forme de ce discours, essentiellement due à l’arrivée de nouveaux médias, et à la globalisation des informations. L’auteur passe une grande partie de ses premières pages à nous conter (d’un point de vue purement américain, bien sûr) la pureté de l’approche de l’information par le public du XIXe siècle : extrêmement locale, purement textuelle, et un public avide d’en savoir plus.

L’un des exemples les plus parlants qu’utilise l’auteur est celui des débats entre Abraham Lincoln et Stephen Douglas : 7 séances dans autant de villes de l’Illinois entre août en octobre 1860, dans le cadre des élections du sénateur de l’état. Le débat fonctionnait ainsi : un candidat parlait 60 minutes, l’autre lui répondait pendant 90 minutes, et le premier candidat avait ensuite droit à 30 minutes de réponse.
Trois heures de débat politique ! Et non seulement les habitants de la région venaient en nombre y assister, mais les journaux du lendemain s’arrachaient littéralement, chacun avec sa retranscription plus ou moins partisane ! Ce n’est même pas concevable aujourd’hui.

Cette déperdition du QI collectif, pourrait-on dire, ne s’est évidemment pas faite en jour, et l’auteur prend le temps d’indiquer les avancées technologiques qui ont mené à ce que nous sommes. Moi qui suis féru d’histoire et plongé dans ce média qu’est Internet, ces chapitres ont été passionnants, au point que j’en partage deux captures sur Instagram (que personne n’a lues, probablement). Permettez-moi de les mettre ici. Et attention chérie, ça va spoiler…

Tout d’abord, la première avancée technologique significative : le morse.

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The solution to these problems, [the vast distances and spaces separating American communities from one another in the time of the frontier] as every school child used to know, was electricity. To no one’s surprise, it was an American who found a practical way to put electricity in the service of communication and, in doing so, eliminated the problem of space once and for all.  I refer, of course, to Samuel Finley Breese Morse, America’s first true « spaceman. » His telegraph erased state lines, collapsed regions, and, by wrapping the continent in an information grid, created the possibility of a unified American discourse.

But at a considerable cost. For telegraphy did something that Morse did not foresee when he prophesied that telegraphy would make « one neighborhood of the whole country. » It destroyed the prevailing definition of information, and in doing so gave a new meaning to public discourse. Among the few who understood this consequence was Henry David Thoreau who remarked in Walden that « We are in great haste to construct a magnetic telegraph from Maine to Texas; but Maine and Texas, it may be, have nothing important to communicate. . . . We are eager to tunnel under the Atlantic and bring the old world some weeks nearer to the new; but perchance the first news that will leak through into the broad flapping American ear will be that Princess Adelaide has the whooping cough. »

Thoreau, as it turned out, was precisely correct. He grasped that the telegraph would create its own definition of discourse; that it would not only permit but insist upon a conversation between Maine and Texas; and that it would require the content of the conversation to be different from what Typographic Man was accustomed to.

(on notera le petit coucou qui fait plaisir à Thoreau et son livre Walden)

Le deuxième extrait que je veux partager avec vous est plus long (si si!) et sans doute d’un intérêt moins évident, mais il m’a fait le même effet de « waouh, il a raison, dans quel monde vit-on ? »

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It may be of some interest to note, in this connection, that the crossword puzzle became a popular form of diversion in America at just that point when the telegraph and the photograph had achieved the transformation of news from functional information to decontextualized fact. This coincidence suggests that the new technologies had turned the age-old problem of information to manage on its head: Where people once sought information to manage the real contexts of their lives, now they had to invent contexts in which otherwise useless information might be put to some apparent use.
The crossword puzzle is one such pseudo-context; the cocktail party is another; the radio quiz shows of the 1930’s and the 1940’s and the modern game show are still others; and the ultimate, perhaps, is the wildly successful “Trivial Pursuit.” In one form or another, each of these supplies an answer to the question, “What am I to do with all these disconnected facts?” And in one form or another, the answer is the same: Why not use them for diversion? for entertainment? to amuse yourself, in a game »

Il y aurait tellement plus à dire (surtout que j’en suis rendu à peine plus loin que la moitié du livre), mais je vous invite très fortement à le lire vous-même, et vous faire une idée de ce que les médias actuels, et la manière dont les informations sont digérées avant de nous être servies, nous rapproche à chaque nouveau lointain conflit en spectateurs apathiques. L’ami Kwyxz en fait un bonne critique sur Sens-Critique.

Je dirai bien que je suis content de m’être débarrassé de mon téléviseur l’année dernière, mais au final, j’ai toujours un écran face à moi, et c’est bien lui qui me nourrit de distractions…

(back2blog, jour 8/10)

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Où il est question de certains Arts

Temps de lecture / Reading time : 7 minutes.

Avouons-le, je vous ai bien eu. Cela va faire un mois que mon dernier article a été publié, et quand bien même je le trouverais excellent et il mériterait d’avoir sa place en haut du firmament de mes écrits les plus introspectifs, je ne peux éluder les cris de rage et hurlements encourageants en provenance de la plèbe réunie devant les grilles du parc du château, d’où j’écris ces quelques lignes bien senties quoique fortement inutiles et un peu trop portée sur le jme-la-ouedj de mon parler la France. Si.

J’ai une bonne poignée d’articles qui attendent d’être terminés par ma personne, mais session de faire du blogging on blogging, et passons à blogging on life. Plus précisément, qu’est-ce que j’ai bien pu faire ces quelques dernières semaines en matière d’illumination de cellules grises. Abordons gaiement.

Parlons flims, pour commencer. Tout d’abord, car c’est lui qui me pousse à me décider à me motiver à enfin prendre la plume le clavier, « Chats noir, chat blanc« , d’Emir Kusturica. Malgré les répétés avis plus que positifs de mon grand frère sur environ tous les films de ce réalisateur, je n’en avais jamais vu aucun avant ce soir, où Arte à eu la bonne idée de passer le susnommé, et un 20 minutes de se trouver sur le siège face à moi dans le train du retour, d’où j’ai pu lire le programme de ce soir. Remercions donc, dans l’ordre, ces trois entités (mon frère, Arte, et 20 minutes) de m’avoir permis, par leur pugnacité respective, de me faire voir ce film.
Car il est excellent, y’a pas à chier là-d’ssus. C’est grand-guignolesque au possible, délirant comme c’est par permis, excessif dans toutes les directions, et donc extrêmement jouissif, là où je craignais justement que le burlesque des films de Kustorika ne me rebute trop rapidement. Non, c’est à la limite des contes de Grimm, mélangeant personnages hauts et couleurs et poésie de l’amour et du quotidien. Le dosage est très équilibré, le rythme ne se relâche pas, les acteurs sont à fond, le bordel est fréquent et on en redemande presque…
J’ai adoré, au point de me motiver à voir les autres films de Kusto, et pourquoi pas de lever mon embargo équivalent sur Almodóvar (mais lui, c’est à cause d’un mélange de « Jamón, jamón » qui m’a fuchsia et a influencé ma vision du cinéma espagnol, de Jota dépréciée, et de prénom mal hispanisé à mon goût).
Ne nous fermons donc pas.

Ensuite, « Wallace et Gromit ». Bon, je n’apprendrai à personne que ce film est formidable, qu’il faut le voir, que c’est du bonheur en barre pour grands et petits. Bref, nous l’avons vu ce week-end, avons ri comme des bossus, et je souhaite propager la bonne parole. Procurez-vous les courts-métrages les mettant en scène, ils sont aussi très bons, notamment celui avec les moutons à mon goût.
Grand plaisir aussi, tout personnel, de faire découvrir le monde de W&G à ma demoiselle, qui en ignorait auparavant l’existence – de la même manière que je l’ai dégoûtée, bien malgré moi, de James Bond, convertie à Star Wars, et invitée à comprendre l’intérêt de Star Trek.
Bref, ce retour au cinéma de notre part, après plusieurs semaines d’absence, fut jouissif. Et il faut que je pense à attaquer Aardman en justice pour leur vol flagrant d’onomatopée de pinçage de fesse.

Musicalement, deux groupes dont je voudrais parler. Pour commencer,

The Mars Volta

J’en avais rapidement entendu parler via le batteur d’un groupe chez qui j’ai fait un court essai. Je ne sais pourquoi, je me suis repenché sur le problème, me suis procuré l’album « De-Loused In the Comatorium », et après très peu d’écoute, l’ai mis dans ma wishliste.
C’est très différent de mes habitudes postrock et lo-fi : du rock assez poussé, sans être brutal ni psyché, mais véritablement prenant, notamment par le travail de mise en place et le côté « ça part dans tous les sens mais ça reste sur Terre ». L’album fait montre de beaucoup de travail et de créativité, et montre que ce ne sont pas des débutants (ceux qui à la différence de moi auront suivi l’aventure At The Drive-In, leur précédent groupe, comprendront). J’ai été particulièrement convaincu par les deux premiers titres qui s’enchaînent, le riff d’intro d’Eriatarka, la tranquille et superbe Televators, et plein d’autres trouvailles assez soufflantes.
Il ya beaucoup de passion dans le chant (je n’en suis pas encore à déchiffrer les paroles), une grande tension dans les idées et placements, et on se prend à découvrir de nouvelles couches à chaque écoute. Par moment, on sent presque qu’il y a trop d’idées pour seulement un album, mais si sur la longueur certains titres peuvent en être indigestes, individuellement l’oeuvre reste impressionnnante.
Une excellente petite chose, qu’ici encore je suis bien content de ne pas avoir laissé passé. Vais-je devoir me pencher sur At The Drive-In ? Mmmmh…

Dolly

Musique. Le dernier album de Dolly est une redécouverte d’un groupe malheureusement inconstant à mon goût dans la qualité de ses albums – et putain de merde ça ne risque pas de s’améliorer, mes condoléances.
J’avais comme tout le monde découvert Dolly à l’époque de leur premier single, « Je n’veux pas rester sage ». J’entendais alors des récits de concert où la chanteuse faisait étal de toute sa candeur en se cognant régulièrement les dents contre son micro à chaque reprise de chant. Mais j’étais alors puceau de la musique donc rien de plus ne vint. Pour info, le dépucelage viendra quelques mois plus tard, avec la sortie de OK Computer. Amen.
Bref, je ne sais pourquoi je me procure ensuite leur album suivant, « Un jour de rêve », et mon foie foutrement bon, car j’y retrouvais, deux ans après OKC, un son que je trouvais proche de celui de ce dernier album. Clavier, guitare, mélodie power-pop, en français dans le texte et sifflable. Miam. Presque aveuglément, j’achetais leur suivant, « Plein air », et le fait que je dusse en cherche le titre sur Amazon ne fait que prouver qu’il a pris la poussière sur mon étagère. Il est peut-être excellent, mais je n’ai pas accroché aux premières écoutes, et n’ai pas pris le temps de le transférer sur mon lecteur MP3 par la suite. Tant pis.
Je me suis enfin procuré leur dernier en date, « Tous des stars ». La jaquette est à vomir, mais j’y ai retrouvé la créativité de n°2, avec en plus pas mal d’électro. Cette dernière est parfois répétitive (notamment, le synth-bass entre les deux premières chansons, même motif, qu’on retrouve ici et là), les textes ne sont pas toujours du Ferré, tant s’en faut, et j’en zappe ici ou là, mais j’y reviens fréquemment sur mon lecteur MP3, blasé que je suis par mes écoutes répétées d’Arcade Fire, Wilco, Ghinzu et autres.
Bref, j’ai bien aimé le dernier album de Dolly, et la mort de leur bassiste tend à faire croire que ce sera le dernier. Fuchsia.
Ah, et oui, j’écoute aussi du pop-rock, désolé pour ceux qui me croyait pur et dur dans mes goûts élitistes alternatifs loin des sentiers battus. Il m’arrive d’écouter du Nathalie Imbruglia, et d’aimer çà. Hop.

Spirou

Il faut un temps où mes frères et moi collectionnons les albums de bédé. Le grand avait hérité des Tintins de notre paternel, aussi il continua dans cette lignée – surtout que, Hergé mort et strict quant à une possible reprise, celle-ci fut rapidement achevée. Je me lancait pour ma part dans une collectionnite Spirophile, tandis que le petit dernier trouvais refuge chez les Schtroumpfs. J’étais d’autant convaincu d’avoir bien choisi que Spirou était comme moi né officiellement un 21 avril, sous la plume de Rob-Vel.
Le personnage-titre du magazine de l’éditeur Dupuis a vu la plume de nombreux auteurs, à commencer par Franquin, qui lui a créé tout son univers, et plus encore. Les suivants n’ont pas à mon goût su lui insufler autant d’idées et de folies, jusqu’à l’arrivée salvatrice de Tome & Janry. Non content de revenir une ligne proche de celle de Franquin, ils ont fait entrer dans la série un humour visuel qui permettait d’entrer très facilement dans les histoires.
Malheureusement, il semblerait que ces deux-là aient aussi fini par se lasser. Après avoir lancé le Petit Spirou avec succès, ils ont apparemment cherché à reprendre le personnage et lui donner un fond plus sérieux. Pour ce faire, un album très sombre, tant dans le fond que la forme, « Machine qui Rêve ». Sombre déjà, car les cases sont dessinées sur fond noir, ce qui tranche nettement avec l’habituel. Mais surtout, le scénario remet en cause beaucoup d’acquis de la série. Très peu d’humour, perte du surnom d’un personnage important, Spip silencieux… Le scénario n’est pas très bon, les images font la part belle aux effets dramatiques. Non, il album pas assez bon pour relancer la série dans cette direction…
Punition du management ou abandon des auteurs, deux autres auteurs ont repris la main, Morvan et Munuera. Après un album d’introduction assez moyen, ils viennent donc de sortir leur second (et le 48e de la série) : « L’Homme qui ne voulait pas mourir ». Ce qui m’a donné envie d’en parler n’est pas tant le titre, assez pourri, ni le fait qu’il soit excellent par rapport au précédent, mais avant l’amusement de voir les nombre intersidéral de référence aux albums précédents du duo. Ca donne un peu l’impression qu’au vu des résultat de leur premier essai, ils se sont dit « bon, ‘faudrait p’tet qu’on se renseigne sur nos personnages », ils ont lu tous les aventures (jusqu’à la première) et nous le font savoir par nombre de référence (la scène chez le psy est assez amusante).
Retour de Zantafio, ajout d’un personnage en rapport avec un des tous premiers albums, successions de scènes assez vertigineux, utilisation de matériels créés par Franquin…
Voilà, ça m’a amusé. Et c’est pourquoi j’ai écris tout ces paragraphes. Oui, je fais ce que je veux.

Pour terminer, rien de bien révolutionnaire, ni même culturel, mais un vidéo qui m’a faut véritablement rire devant mon écran ce dimanche soir. Il s’agit d’une séquence du jeu Whose Line Is It Anyway, présenté par Drew Carey, qui demande à son équipe de créer des sketches improvisés. Bref, je peux me tromper, ce n’est pas important, c’est la vidéo ici même qui nous intéresse ce soir (bonsoir, d’ailleurs) : Living Scenery [backup]. Ce sketch met en scène un invité surprise, Richard Simmons, un personnage, disons, flamboyant, réputé pour ses vidéos de fitness, démontre ici tout son talent. Sincèrement, c’est con, mais j’en ai la larme à l’oeil, ce qui face à un écran est rare de ma part…

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Fontes et Codages

Temps de lecture / Reading time : 6 minutes.

Je reçois de nombreux livres. Mon boulot à JDN Dev inclut la tâche de parler de deux livres toutes les deux semaines. Ces livres ne sont pas choisis par moi à la librairie du coin, mais au sein des nouveautés qui nous sont gracieusement envoyées par les services de presse de certains éditeurs (surtout Eyrolles, O’Reilly, CampusPress et Dunod, en ce qui me concerne). À moi d’en choisir quelques-uns dans la pile de la semaine, et d’en faire une review. Celle-ci doit faire dans les 8 lignes, et vanter les mérites de l’ouvrage (aucun intérêt à casser un livre).

Par exemple, cette semaine, j’ai reçu « Eclipse 3 » de Berthold Daum chez Dunod, et « PHP 5 & MySQL 5 » de Luke Welling & Laura Thompson chez CampusPress/PearsonEd.

Forcément, le choix d’un livre est biaisé : non seulement celui-ci doit entrer dans le cadre JDN Développeurs (donc, couvrir un sujet touchant aux thèmes du site), mais également m’intéresser (même lu en diagonale, un livre sur les processeurs Itanium reste un peu lourd, désolé aux auteurs). Oui, les livres sont lus en diagonale, car cette lecture s’ajoute à mon quota hebdomadaire de 2 tutoriels, 2 pratiques, 1 « ma question », 5 news, et d’autres choses encore. Bref.

Certains de ces ouvrages, dès la review rédigée, corrigée et validée, vont dans la bibliothèque du Benchmark. Je m’en ressers parfois/souvent pour vérifier une information ou apprécier un point de vue différent du mien, bref construire. Une fois par an, nombre de ces ouvrages sont donnés à une association qui peut en avoir besoin. D’autres, je l’avoue, atterrissent chez moi, où j’apprends, encore, toujours (je remercie d’ailleurs Eyrolles qui ne manque pas d’envoyer certains livres en deux, trois, voire parfois quatre exemplaires, ce qui me permet d’en emprunter un sans me sentir coupable).

D’autres, enfin, trouvent une place à portée de main, sous mon bureau. Ce sont ceux qui m’ont plu au point de vouloir les lire entièrement, et que j’apprécie comme on apprécie un bon roman. Étant donné que je ne peux pas décemment lire un roman pendant mes pauses-mains (RSI Guard powah), je lis ceux-là, par intermittence, et au maximum pendant 7 minutes et 17 secondes. C’est peu, donc je n’avance pas vite, surtout si la section que je lis est intéressante (et donc, que je ne saute aucun paragraphe).

Fontes et CodagesLe livre sur lequel je tourne en ce moment (erm, en fait, le livre qui a fait que j’ai commencé à pratiquer cette lecture-de-pause au boulot) s’intitule « Fontes et Codages » de Yannis Haralambous, chez O’Reilly. J’en ai fait un commentaire, mmmh, impossible de retrouver la page, donc ça doit faire une paye. C’est un livre formidable, ou en tout cas que j’aime beaucoup. Sous-titré « Glyphes et caractères à l’ère du numérique« , c’est une somme de connaissances assez incroyable, « condensée » en 990 pages et rédigée par une sommité du genre, professeur d’informatique à l’ENST Bretagne, chercheur en typographie numérique et codéveloppeur du logiciel Ω (extension et successeur voulu de TeX).
Un livre que j’aime beaucoup, donc, car même si je n’en suis pas bien loin dans ma lecture séquentielle (seulement la page 300!), j’ai l’impression de me plonger tout à la fois dans un dictionnaire, une encyclopédie, un livre d’histoire, un article polémique et un mode d’emploi technique. Ah, et aussi dans une bande dessinée.

Je ne peux bien sûr parler que de l’infime partie que j’ai lue (et encore, j’ai sauté des parties qui m’intéressaient moins), mais j’explique ici ces différents points.
Dictionnaire et encyclopédie : mmmh, oui, bon, les deux sont redondants, mais comprenez-moi. Je mélange les deux, car le livre lui-même me semble tendre autant vers le détail qui ne servira qu’à 5% du lectorat (dictionnaire), que vers les grandes lignes qui entraînent tout le monde (encyclopédie). Des détails dans de grandes lignes, au final je pourrais presque croire que je sors d’un déjeuner avec Donald Knuth.

Livre d’histoire : c’est un corolaire sympathique à l’aspect dico/encyclo : de nombreuses pages sont consacrées à la genèse d’Unicode, et ce qui l’a précédé. Plomb, ASCII/EBCDIC, ISO 2022, ISO 8859-[1-16], Shift-JIS et d’autres sont présentés dans les grandes lignes, grille de caractères à l’appui et petit historique. L’auteur y place d’ailleurs nombre d’anecdotes parfois sympathiques sur les querelles et les prises de décisions.

Article polémique : ces anecdotes sont parfois polémiques. Rappelong que l’auteur, Yannis Haralambous, est d’origine grecque, chercheur en langues orientales de surcroît, et enfin n’a pas sa langue dans sa poche. Il ne manque donc pas de donner son avis sur certaines décisions, notamment sur la langue grecque et son évolution au fil du temps et au sein d’Unicode. Cela donne également des passages amusants, comme page 98 :

– Sc (symbole monétaire). Exemple : le caractère du dollar « $ », dont le glyphe est parfois utilisé également pour le caractère « s », comme dans « Micro$oft » ou « U$A »;

Quelle finesse.

Mode d’emploi technique : restons simple : l’ouvrage comporte des chapitres entiers sur l’utilisation d’Unicode sous WinXP/OS X/X Window, sur le fonctionnement de TeX, LaTeX et Ω, sur les usages avec XHTML… Et je n’en suis qu’au tiers.

Bande dessinée : les glyphes, leurs imbrications, leurs collaborations… Un monde merveilleux où les langues copulent joyeusement et de manière très visuelle, grâce aux innombrables représentations de glyphes données en exemple.

Et là, vous vous demandez, mais boudiou, quelle est la différence entre une fonte, une police, un glyphe et un caractère. Moi, je le sais (j’ai le bouquin sous les yeux), mais je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir de la découverte.

Je vais cependant vous mentionner deux parties intéressantes de la lecture, ci-après.

La première concerne les algorithmes bidirectionnels, permettant la typographie dans les deux directions (pp.130-133). J’ai découvert ce problème par ce bouquin, car bien que je connaissais les différentes méthodes d’écritures (gauche-droite/occidental et droite-gauche/moyen-oriental), je n’avais pas imaginé la possibilité citée : l’intégration d’un texte arabe au sein d’un texte occidental (et vice-versa). Une bonne illustration valant quatre-cent-soixante-quinze-mille-milliards de mots, voici-voilà quelques scans, réalisés sans permission, mais c’est du fair use et je fais de la pub au bouquin alors bon :

Deux exemples bidirectionnels

Voici donc deux manières de présenter cette insertion : dans la première, le texte arabe est imbriqué, c’est-à-dire que le texte arabe inséré dans la continuité du texte occidental. La deuxième manière est une découverte : l’arrangement séquentiel permet de combiner textes gauche-droite et droite-gauche de telle manière que les deux modes soient plus lisibles. Cela requiert cependant un travail certain, comme le montre le scan suivant :

Parcours bidirectionnel

Comme l’indique l’auteur : « bel exercice de mobilité oculaire ! » Unicode prend en compte le problème, mais le problème lui-même est tellement élégant que j’en ai été soufflé.

La seconde partie qui m’a fait lever le sourcil, relève plus de la cocasserie (hohoho), et est bien éloignée de l’admiration que peut procurer la réflexion nécessaire aux algorithmes bidirectionnels.
Les langues idéographiques (extrême Orient et voisins) sont mutantes : malgré l’insertion de plus de 70 000 idéogrammes au sein d’Unicode, de nouvelles combinaisons se font tous les jours, au besoin du temps qui passe. Unicode a donc mis au point des caractères de commandes permettant à l’utilisateur de combiner lui-même des idéogrammes simples en un idéogramme plus compliqué (p. 147) :

Caractères de commande

Et l’auteur de nous donner quelques exemples simples :

Exemples de combinaisons

On admire alors toute la beauté de cette écriture, qui forme des mots grâce à des combinaisons plus ou moins logiques. Femme+9 mois ? Grossesse, bien sûr ! Toit + femme ? Euh, « tranquillité « , ah, d’accord. Boite+grand = cause, allons bon. Promenade+rivière = patrouille, admettons, on mettra ça sur les traumatismes du Vietnam.

Puis l’auteur donne deux exemples composés, dont celui-ci :

Femme+femme+femme=bruit

Résumons donc :
– Femme + 9e mois, grossesse. Ok.
– Toit + femme, tranquillité. Genre tu peux aller au bar, madame reste à sa place. Surpris de ne pas trouver Cuisine + femme, mais ça doit faire partie des coutumes occidentales…
– Femme + femme + femme, bruit. Je crois que cet idéogramme parle pour lui-même.

C’était donc une nouvelle fois l’occasion de sourire le long de cette lecture passionnante. Le texte foisonne littéralement de références à droite et à gauche, donnant ainsi vie à ce qui ne serait autrement qu’un n-ième encodage, Unicode. Ce livre me permet d’apprécier à leur juste valeur les geeks allant jusqu’à se faire un poster de tous les caractères d’Unicode, et me donne presque envie d’en faire de même…

« Fontes et Codages » de Yannis Haralambous. A lire.

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Les trolls plus intelligents que les Pirahãs

Temps de lecture / Reading time : < 1 minute.

« The language, Pirahã, is known as a “one, two, many” language because it only contains words for “one” and “two”—for all other numbers, a single word for “many” is used. »

— in « Language may shape human thought« , Celeste Biever, NewScientist.com

[ via /. ]

En fait, les trolls comptent traditionnellement de la façon suivante : un, deux, trois… beaucoup, et l’on en déduit qu’ils n’ont aucune notion des grands nombres. Parce qu’on ne comprend pas que « beaucoup » peut représenter un nombre. Exemple : un, deux, trois, beaucoup, beaucoup-un, beaucoup-deux, beaucoup-trois, beaucoup beaucoup, beaucoup-beaucoup-un, beaucoup-beaucoup-deux, beaucoup-beaucoup-trois, beaucoup beaucoup beaucoup, beaucoup-beaucoup-beaucoup-un, beaucoup-beaucoup-beaucoup-deux, beaucoup-beaucoup-beaucoup-trois, DES TAS.

— in Le Guet des orfèvres [Men at Arms], Terry Pratchett, p.141.

[ 5 minutes plus tard ] Il fallait s’y attendre, des lecteurs de /. ont déjà repéré la référence. Tant pis, ça m’a amuse quand même, surtout que c’est un des livres que je bouquine en ce moment.

Par ailleurs, j’aime beaucoup le titre de cette news : « Need A New Retina? Look No Further!« .

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Books, books, books everywhere

Temps de lecture / Reading time : < 1 minute.

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So many books,
So many things to learn…

…so little time.