Auteur/autrice : Xavier
Agadir, mai 2009
[note : blogpost entamé fin 2007, abandonné, repris, étendu, oublié, remanié, oublié, et enfin terminé en catastrophe vu l’arrivée prochaine du nouvel album (30 mars)… Excusez-moi donc si certaines parties sentent le réchauffé / déjà-lu]
Quand on apprécie un artiste – quand on l’apprécie vraiment -, on suit son évolution avec plaisir, malgré les écarts parfois extravagants qui peuvent y avoir entre deux périodes de son œuvre. Je parle bien sûr de musique, mais cela s’applique à tous les arts, je suppose. Je crois que c’est dans une FAQ d’un site non officiel sur les Smashing Pumpkins où j’ai vu l’explication suivante :
Q: What is a true fan?
A: A true fan is someone that will give the band’s next record a chance. Not just one listen, but a few, just to make sure they really don’t like it.
[update: FAQ retrouvée, texte corrigé]
Ma fannitude était dernièrement particulièrement mise à l’épreuve par Radiohead, dont les livraisons depuis OK Computer ne dévoilaient leur intérêt, selon les titres, qu’au bout de plusieurs écoutes – et j’ai même été jusqu’à réaliser mon propre Kid Amnesiac tant certains titres me semblaient faibles. Leur dernière livraison, In Rainbows, est sans doute leur album le plus calme et le moins « rock », mais également leur album le plus cohérent depuis OK Computer, et mérite sans doute d’être au moins sur la 3e marche du podium de leurs meilleures productions… mais j’en ai déjà parlé ailleurs.
Comme le titre de cet article vous laisse présager, l’idée ici est avant tout de parler de PJ Harvey – qui a également livré récemment son album le calme et le moins rock, au premiers abords : White Chalk [note : sortit le 24/09/07, donc un « récemment » tout relatif désormais]. De fait, un écart violent avec son précédent album, Uh Huh Her, qui frappait par son âpreté et son aspect d’urgence.
Tout nouvel album de la part de PJ Harvey est une nouvelle confirmation d’une de mes théories, basée sur ce que ma demoiselle m’a appris d’elle : Polly-Jean fait volte-face à chaque album. Ma théorie est que cette volte-face est de plus en plus violente avec le nombre des années – et des albums.
Plutôt que de vous assener vigoureusement ma science, traitons le sujet par la méthode sénéchale : voguons d’album en album afin d’en extraire une possible substantifique moelle…
Si vous avez raté le début du film…
Polly Jean Harvey n’est pas une débutante : partie de son Dorset profond et natal, elle s’est lancée à tâtons dans la chanson en fin d’adolescence (19-22 ans), et a eu la chance d’être très vite repérée par le regretté critique et homme de radio John Peel, qui sera un peu son parrain tout du long de sa carrière. Forte d’un premier single, Dress, très bien reçu par le public indie-rock briton, et du support de John Peel, elle enchaîne avec un second titre, Sheela-Na-Gig, qui est tout aussi bien reçu. Ces deux titres donnent les premiers accents d’une artiste indé forte, jouant sur l’humour noir, la sexualité et sa propre image. Bonheur.
1992 vient, et avec lui son premier album.
Dry (1992)
Premier album, donc, et déjà elle fait montre d’une force d’écriture, tant musicale qu’au niveau des textes, très affirmée. Souvent émotionnelles, PJ amplifie l’impact de ses chansons par une voix qui, si elle n’a pas encore gagné en puissance, s’habille en fonction des personnages qu’elle raconte. Musicalement, c’est une base de rock indé assez typique du début des années 90, en y mêlant des touches de punk ou de blues, voire de grunge, le tout servit par un son très sec, une guitare rêche et une image très riot grrrl – notamment suite à des photos d’elles montrant ses poils aux aisselles (à noter cependant qu’elle a toujours rejeté toute étiquette féministe). La couverture de l’album a été réalisée par Maria Mochnacz, qui réalisera par la suite quasiment toutes les couvertures de ses albums, ainsi que la plupart de ses vidéos.
Outre Dress et Sheela-Na-Gig, que l’on retrouve sur l’album, trois titres à retenir principalement sans doute : Water, Plants and Rags, et Oh My Lover, qui ouvre superbement l’album.
Côté vidéo, c’est Dress qui a eu cet honneur (avec même une vidéo live de promo, apparemment), puis Sheela-Na-Gig (avec des extraits du même concert de promo, dirait-on). Stylistiquement, ça reste très « fin des années grunge ». Quelques années plus tard, Victory en concert.
Rid of Me (1993)
Après une guerre de labels pour reprendre son contrat, ce deuxième album est placé sous la houlette du producteur Steve Albini, à qui l’on devait déjà le son d’albums fondateurs tels que Surfer Rosa (Pixies), Pod (Breeders) et In Utero (Nirvana) – et celui des malheureusement moins connus Slint (Spiderland). Donc, pour ceux qui ne connaissent pas son style de production : de la guitare rêche et brute de décoffrage, un son très « prise directe » et rentre-dedans. Enregistré à peine un an après Dry, il rentre dans une certaine continuité sonore, en poussant plus loin l’âpreté du chant et l’abrasivité du son.
Iconographiquement, sa collaboration avec Maria Mochnacz fait encore des étincelles, avec une couverture où l’on retrouve PJ balançant une chevelure pieuvresque dans une baignoire – séance photo qui aurait duré plusieurs heures, à tremper dans un bain froid, ce que je rapproche un peu de la création de l’Ophelia de Millais, en moins dramatique heureusement…
Points culminants de l’album : l’intro Rid of Me (dont je vous refile également l’excellente version en concert à l’Olympia, qui date de 2001 et dont le final donne la chaire de poule), et Man-Size.
[audio:https://xavier.borderie.net/blog/wp-content/uploads/2009/03/01-rid-of-me.mp3]Au niveau des vidéos, ça se cherche encore, avec 50 Ft Queenie (bof) et Man-Size (que j’aime beaucoup beaucoup).
La même année que Rid of Me, l’album 4-Track Demos présente 8 « brouillons » de titres inclus dans son prédécesseur, ainsi que 6 nouveaux titres. Seule au chant et la guitare, PJ joue sans le mur d’âpreté monté pour elle par Steve Albini. D’aucun préfèrent d’ailleurs ces versions à celles produites pour Rid of Me…
To Bring You My Love (1995)
Séparée de sa section rythmique entre les sorties de Rid of Me et 4-Track Demos, PJ se lance en vrai solo plutôt qu’au sein de ce trio à son nom. Libre de jouer tant avec son écriture qu’avec son image, elle se distance clairement des brûlots que sont ses deux premiers albums pour mélanger blues-rock (To Bring You My Love, C’mon Billy), électro-rock (Down By The Water), lourdes rythmiques (Long Snake Moan, Meet Ze Monsta)…
Derrière les manettes, de nouveaux influenceurs vont apporter leurs contributions à ce son : Flood (alors déjà responsable de nombreux albums-phares pour Nick Cave & The Bad Seeds, U2, Nine Inch Nails, Depeche Mode, et The Smashing Pumpkins), John Parish (avec qui PJ avait collaboré dans un groupe précédent), et PJ elle-même, enfin… Le son devient léché, plus clair, voire « plein » ; les synthétiseurs et violons apparaissent, tout comme de la boite à rythmes.
Cette recherche musicale se voit également dans la voix : PJ a pris 8 mois de cours avec deux chanteurs d’opéra retraités de son village. L’amplitude vocale se fait grande : meilleure tenue, meilleur contrôle de ses modulations, PJ introduit sa voix comme instrument dans cet album, et non plus comme un vulgaire outil à raconter ses rêves et névroses. Ce qu’elle perd en méchantes guitares, elle gagne en intensité de chant. PJ n’est plus une songwriteuse affirmée, c’est aussi une chanteuse pouvant adopter de nombreux styles, pour mieux coller à ses ambiances et textes.
Cet album, sorti en 1995 et paré d’une couverture où PJ flotte en surface dans une robe rouge écarlate – image directement tirée de la vidéo pour Down By The Water -, lui fera recevoir le surnom de « diva du rock ». Son image passe de trash/riot/sex à beaucoup plus habillée/maquillée – parfois à outrance, surjouant la femme fatale. La musique devient théâtre, pas si loin du grotesque.
Ma sélection : To Bring You My Love, et Send His Love To Me. Et bien sûr Down By The Water.
The Dancer peut aussi être trouvé dans une version très « flamenca », que je vous refile également (ma générosité me perdra).
[audio:https://xavier.borderie.net/blog/wp-content/uploads/2009/03/pj-harvey-rare-22-the-dancer-acoustic.mp3]Côté vidéos, ça s’est déjà nettement amélioré. Bon, bien sûr nous avons celle de Down by the Water, assez graphique et introduisant le look « rouge à lèvres outrancier » de la miss, mais aussi C’mon Billy et Send his Love to Me.
Arrive le temps des collaborations, à commencer par son apparition remarquable dans l’album Murder Ballads de ce dernier, sorti en 1996. Tout le monde a retenu Where the Wild Roses Grow en duo avec Kylie Minogue (chanson qui incidemment a bien boosté sa carrière tout en lui donnant une crédibilité musicale indie que Confide In Me, malgré toutes ses qualités, n’offrait pas), mais vous souvenez-vous du duo PJ-Nick sur Henry Lee, avec la tout aussi superbe vidéo ? Très simple mais très puissante, les amants de l’époque s’y regardent au plus profond des yeux, s’effleurent, se touchent et dansent… Moi j’aime.
Avec John Parish à la composition, elle écrira et chantera en 1996 les textes de Dance Hall at Louse Point, qui n’est pas vu comme faisant partie de la discographie de PJ mais comme une collaboration, dont on retiendra quand même That Was My Veil (tiens, je découvre qu’il en existe une vidéo). Pour PJ, cet album reste la source d’une énorme progression dans son écriture et son travail vocal.
Autre résultat de collaboration, cette fois avec Eric Drew Feldman en 1997 pour la compilation Lounge-a-Palooza, une superbe reprise de Zaz Turned Blue. A l’origine une création du groupe Was (Not Was) avec Mel Tormé, la différence entre les versions est énorme, et la reprise, étrangement peu « lounge » vu le titre de l’album, voit PJ chanter dans trois registres différents, déjà… Superbe. Je vous recommande d’écouter d’abord la version originale avant la reprise de PJ, afin de mieux apprécier le travail accompli – et comprendre qu’au final, la version lounge, c’est l’originale…
[audio:https://xavier.borderie.net/blog/wp-content/uploads/2009/03/zaz-turned-blue-polly-jean-harvey-eric-drew-feldman.mp3]Is This Desire? (1998)
Avec 4 albums en 3 ans, il faudra attendre 3 ans (1998) pour voir arriver un nouvel opus : après le succès de To Bring You My Love et la longue tournée qui a suivi, la miss s’est isolée chez elle. Elle en ressort avec un album à l’ambiance forcément plus intimiste, dans lequel on ne retrouve ni complètement la force de ses premiers albums, ni toute la théâtralité du précédent – même si certains titres s’en approchent, comme The Sky Lit Up ou Catherine. C’est à la fois totalement différent, et dans une certaine continuité.
Avec des mélodies et riffs toujours très justement placés, elle peut murmurer dans Electric Light ou The Wind tout comme elle peut hausser le ton dans Joy ou No Girl So Sweet, offrir une superbe balade au piano comme The River et produire un son très électro/trip-hop avec My Beautiful Leah…
C’est selon moi un album qui résume parfaitement PJ Harvey, toutes ses approches du son, tous ses antagonismes, ses influences… Malgré cela ou par cette faute, l’album n’aura pas un très grand succès, tant critique que commercial. Les cons.
Deux titres (dur d’en choisir deux choisir ici encore) : je dirai The River et bien sûr le single A Perfect Day Elise, qui laisse présager de la suite.
Des vidéos, des vidéos ! A Perfect Day Elise, bien sûr, puis The Wind.
Stories from the City, Stories from the Sea (2000)
PJ revient clairement avec un objectif de succès critique et commercial pour cet album sortit en l’an 2000 : collaboration avec Thom Yorke (chanteur de Radiohead, alors au faîte du succès de la tournée pour OK Computer, et qui pouvait donc toucher n’importe quoi et le transformer en or), guitare réglée sur un son clair (plutôt qu’en distorsion), plein d’accords majeurs (joyeux, plutôt que mineurs, tristes bouh), on reste sous la barre des 4 minutes de musique pour chaque titre, tempos ni trop lents ni trop rapides, voix clair et sans hurlements (ou le minimum syndical)…
Taillé dans le roc de l’accessibilité, cet album peut difficilement déplaire aux fans de pop-rock simple, aux aficionados de PJ (et Radiohead, légions…) en attente de sa nouvelle volte-face après la noirceur du précédent. C’est beau, c’est mélodieux, ça bouge mais pas trop…
On pourrait croire que je targue PJ de faire dans le commercial, mais au contraire j’y vois une évolution sincère de ses envies, une approche qui lui correspond à ce moment présent. C’est effectivement un excellent album, qui mérite mille fois les hourras de la critique à son propos – et le très convoité Mercury Prize.
Quels deux titres, alors ? Je resterai dans la mélancolie pour le coup : We Float et Horses In My Dreams, paf.
Prends-toi ça au moral 🙂
Hop, les vidéos : Good Fortune, This Is Love, A Place Called Home. A regarder si ma sélection ne vous a pas semblé assez pop-rock 🙂
Uh Huh Her (2004)
Que fait-on quand on vient de sortir son album le plus acclamé depuis le début de sa carrière ? A voir Uh Huh Her, l’album suivant, on se demande si la réponse n’est pas « douter de soi, faire une petite dépression, et repartir de zéro ». Sans maquillage, sans artifice, sans vraiment de production.
Fruit encore une fois d’une longue gestation, PJ y joue tous les rôles – guitare, basse, piano -, ne laissant à Rob Ellis le soin d’ajouter des pistes de batterie qu’une fois l’enregistrement fait. Dry et Rid of Me sonnaient bruts de décoffrage ? Cet album reprend cette recette et pousse le potentiomètre jusqu’à 11.
Emblématique, le titre Who the Fuck? et ses réprimandes doublées de choeurs atonals, un « Get your dirty fingers out of my hair » à l’opposée du « I just want to sit here and watch you undress » que l’on entend dans la chanson This is Love de l’album précédent, Stories from the Sea…. De là à dire que sa vie sentimentale a pris un tournant entre les deux…
Bref, c’est souvent assez brutal, mais l’on n’y entend pas que de la guitare-brûlot, certaines pistes profitent d’un peu de guitare sèche, de clavier ou d’accordéon, voire de simili-violons pour The Slow Drug ou You Come Through.
Deux titres que je retiens : Shame et The Desperate Kingdom of Love. Et puis The Darker Days of Me & Him, tiens, pour la bonne bouche.
J’aurai bien ajouté The Letter, mais cela me permet de renvoyer vers la vidéo 🙂 Ensuite vinrent You Come Through, Shame et enfin Who The Fuck? (avec une sale pixelisation comme il le faut). Ca nous fait quand même 4 vidéos, pour un album pas facile d’accès…
White Chalk (2006)
Et nous voici en 2007, et une fois de plus son nouvel album ne peut être comparé au précédent, ou même aux précédents (pluriel, merci de suivre). Depuis le temps, les fans de PJ savent qu’il faut s’attendre à l’imprévu, mais cette fois encore la surprise, voire la claque, est au rendez-vous. L’album est produit par Flood et John Parish, sans que l’on ressente trop fortement leur présence – cela reste du pur PJ.
Terminées les guitares enflammées, terminée la batterie sèche, terminés les hurlements et les feulements : la miss a composé une bonne partie de l’album au piano (instrument qu’elle a découvert pour l’occasion), et est allé chercher son chant dans les tessitures les plus aigües. PJ Harvey délaisse ici les salles de rock pour faire de la musique de chambre, intimiste et presque feutrée, tout en gardant des paroles assez sombres/dérangeantes. Même la couverture de l’album donne à penser que la miss a plongé son inspiration dans un autre siècle.
Un album très particulier, qui demandera au fan peut-être autant de temps d’adaptation que son prédécesseur, mais qui en vaut peut-être plus la chandelle au final. Moins brutal que Uh Huh Her, White Chalk n’en devient peut-être que plus effrayant – et donc magnifique.
Sélection personnelle : The Piano et The Devil, comme ça, mais les titres excellents sont nombreux… Before Departure, The Mountain, When Under Ether…
Vidéothon : The Piano, When Under Ether. Et puisque vous avez lu jusque-là, un inédit qui a sa vidéo officielle : Evol (a priori peu à voir avec l’album éponyme de Sonic Youth).
La courbe
Quid, donc, de cette fameuse courbe promise depuis le titre ? Simplement, j’ai voulu représenter ces différentes facettes de la carrière de PJ avec des données chiffrées, et donc une courbe. Le plus dur à été de décider des valeurs de y (en x, bien sûr, les années). Dureté / douceur ? Calme / furie ? Force / fragilité ?
Comment classer un album par rapport aux autres ? Au début, c’est facile, mais vers la fin… White Chalk est plus feutré que Stories…, et pourtant moins commercial, plus difficile d’accès car toujours très tourmenté, donc au final… Pas simple. Faut-il ne garder que son impression propre de l’album en tant que tout, ou devrait-on prendre en compte l’intention de l’auteur ?
C’est d’autant plus dur qu’en définitive, les thèmes abordés par PJ dans ses textes restent largement connexes, et donc les albums de ce point de vue gardent une certaine continuité. Dès lors, peut-on qualifier un album uniquement par rapport à sa musique / son interprétation, ou doit-on garder en vue l’écriture ?
Sans pour autant chercher à répondre, l’intérêt de cette courbe pour moi est de prévoir un peu à quoi pourrait ressembler le prochain album. Vu le passé avec White Chalk, on imagine le prochain teigneux à souhait, peut-être encore plus rude de Uh Huh Her, ou un retour aux sources de Dry/Rid of Me, pourquoi pas ? Ou simplement, un album très rock, simplement un poil plus grunge que Stories from the City…, tout en gardant l’aspect assez commercial absent des deux derniers albums.
Ou alors, l’hypothèse trop facile, une replongée dans les méandres de la saturation, peut-être pas aussi fort que Uh Huh Her, mais assez profond néanmoins… Cela reste peu probable je pense, car trop prévisible désormais.
Dans tous les cas, je m’attend à des guitares qui crachent.
Voici donc la courbe, selon moi. Au final, chacun mettra ce qu’il voudra dans les y, on a compris ce qu’ils signifiaient… Je mets Dry comme niveau de base, à zéro, et place les autres albums par rapport à cette base.
Discuss.
En concert au Grand Rex
Tout ce que je vous raconte, et mon intérêt pour la PJ, je le dois à ma demoiselle, grande fan devant l’éternel :
- c’est elle qui m’a parlé de la version live de Rid of Me, parce qu’elle était au premier rang de l’Olympia ce soir-là, contre la barrière ; que cette chanson lui a alors laissé un souvenir impérissable ; notamment du fait qu’elle n’a pas pu supporter les coups de semonce de la foule dans son dos sur la chanson suivante, This Wicked Tongue ;
- c’est elle qui m’a parlé de la version flamenca de The Dancer , parce qu’elle l’a chantée en trio avec Salomé et Ansaphone (je crois), avec Matthieu Z. à la guitare, lors de la mise en place des Nepasavaléennes, premières du nom (mondieumondieu, 2001, quelle année !) ;
- c’est elle qui m’a parlé de Zaz Turned Blue et de sa ligne vocale particulière ;
- c’est elle qui m’a fait adorer Plants and Rags.
La vraie fan, c’est elle – je n’ai fait que retranscrire ses divines paroles afin de les partager avec la plèbe bêlante et vociférante que vous êtes – et reprendre ces paroles à mon compte, aussi, oui.
De fait, imaginez la déception quand elle découvre, mais un peu tard, que son concert solo au Grand Rex est déjà complet, deux jours après la mise en vente des billets. C’est affreusement cher (79 euros!), mais PJ Harvey en solo au Grand Rex, ça ne se rate pas – même si c’est aussi cher que Björk qui se la raconte à la Sainte Chapelle (en 2001, là encore, décidément)…
Nous étions déjà allés la voir lors de son passage au Zénith (avec Graham Coxon en première partie ! Ainsi que deux autres groupes insignifiants), et la distance combinée avec le mauvais réglage sonore nous avaient rebutés. Mais là c’est solo ! Au Grand Rex ! Sans première partie (a priori) ! Et vu l’album (White Chalk), ça promet d’être très intîmes ! MUST GO !
Que faire dans ce cas-là ? On fouille sur eBay, pardi ! Après une première tentative pas trop chère mais pas trop bien placée, avortée pour cause d’erreur de jugement et de sniper de dernière seconde, on trouve deux places « Carré d’Or » abordables. Le combat fut rude, et nous nous en sortons pour presque deux fois le prix de base (!!!), mais nous avons les places !
« Carré d’or », je ne savais pas trop ce que ça voulait dire exactement (d’ailleurs impossible de trouver une définition précise sur le Net), mais je l’ai appris : ces places chères payées nous donnaient droit à deux places au deuxième rang de la fosse ! L’avantage d’être aux pieds de l’artiste sans l’inconvénient des barrières dans les côtes… Pour vous donner une idée de la situation, un petit schéma…
But wait, there is more! Non seulement nous étions très bien placée par rapport aux pauvres (ou radins, c’est selon), mais en nous installant, nous découvrions la disposition des instruments sur la scène :
Dans les faits, nous étions idéalement placés : nous avions toujours une vue parfaite de PJ, qu’elle se trouve au piano ou à la guitare. Ca se présente bien ; nous trépignons d’impatience.
S’éteignent les lumières, et elle arrive, dans une robe équivalente à celle de la poche de White Chalk, mais noire. Ca change l’argent de sa robe très échancrée sur laquelle bavait Bernard Lenoir en 2001.
J’allume mon appareil photo pour film : je n’étais pas là en 2001 pour surkiffer Rid of Me en première chanson, mais si elle refait un coup pareil ici, je veux graver se souvenir (numériquement parlant).
Elle s’avance donc seule avec sa guitare, se la cale sur l’épaule et la règle, et lance le riff de To Bring You My Love. Vociférations de la salle, puis dans un silence d’église, la chaire de poule…
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x3j9xg_pj-harvey-to-bring-you-my-love-au-g_music[/dailymotion]
Suivit pendant une heure et demie un concert assez exceptionnel, non seulement parce que solo, mais surtout parce que la diva du rock n’a pas été avare de paroles :
- Vanter les mérites des (il est vrai excellents) sièges du Grand Rex, « in fact if I was one of you I might even nod off – even at my own show! » avec son accent du Dorset, juste avant d’entamer When Under Ether au piano ;
- Avant de se lancer dans Angelene : « Very often when I’m writing songs at home, they start off as very simple things, with very… unfashionnable drumbeats with them, and… So, as I’m playing on my own at the moment, I’m using some of the original forms of the songs with the funny little drum patterns that they started with, so… You get a taste of how they ever began life. » ;
- Enchaîner Angelene et Beautiful Leah sur le même motif de boite à rythmes : elle lâche la guitare, se dirige vers le clavier à droite de la scène, change quelques réglages, attrape une baguette en bois qui servira pour frapper l’unique cymbale pendant la chanson… L’impression d’entrer dans son studio personnel, avec tous ses jouets à portée de main… Concert intimiste, on vous dit ! « I brought my own disco for that song.« , elle tape sur machine qui ne veut pas s’arrêter, « Stop it! It’s my portable disco, it’s a lot cheaper than renting one. » ;
- Elle présente Nina in Ecstacy : « This is a lovely little song, I didn’t realise how much I liked untiil 10 years after I wrote it. So it was actually put down on a b-side, and now it has become one of my favorite things. So I’m going to play this for you. » ;
- Tandis qu’LN et moi nous regardons avec un « totally worth it » extatique après avoir entendu Shame, elle se lance soudainement dans une version de Snake assez brutale et surprenante, voire choquante dans le cadre de ce concert – the rock’n’roll is strong with this one… ;
- Problèmes de cheveux assez amusants juste avant Big Exit, « There are some… bugs, insects on the loose in my hair, falling in my face! Hang on! Where’s Ian? » Survient le roadie, et sous les sourires de la salle, « Can you just hold it at moment? » en lui tendant sa guitare et en se farfouillant dans son impressionnante composition capillaire pour la faire se maintenir en place, « I haven’t got a mirror up here, I don’t know if it looks funny, I can feel falling over my head! » Un cri dans la foule pour la rassurer, et elle enchaîne. Une fois la chanson terminée, elle en rajoute une couche sur tout l’arrangement de sa coiffure et de sa robe, « It seems so much more elegant on [Days of our Lives?!]. The actual truth is you can’t really move any other way, ’cause the materials don’t allow it » ;
- Elle lâche sa guitare pour s’installer sur une chaise (non sans replacer mainte fois sa robe), et prendre un instrument peu courant : une autoharpe. Parce que l’objet est assez lourd, elle place une petite serviette sur sa cuisse, qu’elle nous montre (voir la photo de Rober Gil) : « This does actually have a function. It’s call my ‘cat mat’, and it’s to stop the end of the autoharp going into my leg, which is what happens. It’s ‘the cat mat’ because it says, ‘Bigger cats are dangerous‘, that’s the tiger, ‘but a little pussy never hurt anyone‘. That’s the little pussy there« , montrant du doigt le dessin en souriant, et la salle de rire et d’applaudir. Le premier titre joué à l’autoharpe est le magnifique Down By The Water, réinterprété de manière sympathique, puis Grow Grow Grow ;
- Rid of Me, finalement, pour la première chanson du premier rappel. Je ne vous mets pas la vidéo, car je trouve cette version inférieure à celle du Zénith de 2001, mais n’hésitez pas à insister… ;
- Pour The Piano, elle s’assied, découvre sa jambe (sifflements appréciateurs) et s’en explique : « This is for a reason too: I have to see where my foot is going on this machine. I’m not just showing you my leg. As much as I would like to. » ;
- Second rappel, elle ne sait pas quoi chanter, puis jouer Horses in my Dream – que je n’ai pas eu en vidéo (ou si peu), et je m’en mords les doigts.
Ceux qui veulent peuvent écouter l’intégralité du concert sur la radio du site français pj-harvey.net (ça m’a d’ailleurs bien aidé pour me remémorer tout les instants du concert), mais je vais me permettre de vous refourguer une sélection parmi les vidéos que j’ai prises (toutes ne sont pas en ligne).
When Under Ether
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x3jaoy_pj-harvey-when-under-ether-au-grand_music[/dailymotion]
Angelene
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x3jcz0_pj-harvey-angelene-au-grand-rex-200_music[/dailymotion]
Big Exit
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x3jjd5_pj-harvey-big-exit-au-grand-rex-200_music[/dailymotion]
Down by the Water
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x3jjjl_pj-harvey-down-by-the-water-au-gran_music[/dailymotion]
Quelques autres reviews ici, ou là et là.
Allez, et pour maximiser les mots-clefs dans Google, la set-liste complète :
- To Bring You My Love ** ¤
- Send His Love To Me ¤
- When Under Ether **
- The Devil ¤
- White Chalk
- Mansize * ¤
- Angelene **
- My Beautiful Leah *
- Nina In Ecstasy *
- Electric Light
- Shame * ¤
- Snake
- Big Exit **
- Down By The Water ** ¤
- Grow Grow Grow
- The Mountain
- Silence
———— - Rid Of Me * ¤
- Water * ¤
- The Piano * ¤
- The Desperate Kingdom Of Love ¤
———— - Horses in my dreams ° ¤
* : les chansons que j’ai en vidéo ;
** : les vidéos que j’ai mises en ligne ;
° : bouhou juste une vidéo de 2 secondes, batteries de merde.
¤ : fait partie de ma sélection ! 10/21 ! 🙂
Et maintenant ?
Attendons son prochain album pour vérifier mes dires ! Cela étant je me rends compte que je ne prends pas trop de risque en fin d’article, là où au début je disais « Ma théorie est que cette volte-face est de plus en plus violente avec le nombre des années – et des albums. » Comme quoi en 2 ans une théorie peut s’émousser…
Addenda du 22 mars : nouvel album bientôt dans les bacs !
Bon, cela depuis le début du mois que je suis au courant de la sortie prochaine du nouvel album de PJ, intitulé A Woman a Man Walked By, dont la sortie est prévue le 30 mars (il était temps que je termine cet article !). Le petit coquinou a même sa page Wikipedia, et le premier single, Black Hearted Love, est disponible en ligne depuis pfiouloulou…
Qu’en dire ? Il s’agit d’une nouvelle collaboration avec John Parish, suivant le même principe que Dance Hall at Loose Point : musiques par John, textes par PJ. On retrouve Eric Drew Feldman aux claviers (ce qui, vous l’aurez compris, est une bonne chose), ainsi que Flood à la production. Ces trois zigotos ont déjà oeuvré sur White Chalk. De fait, on a l’impression qu’elle a en ce moment envie de revivre ses années 95-97 (TBYML en 95, DHALP en 96, ZTB/LAP en 97) – et ma foi, ce n’est pas moi qui vais la blâmer – mais ce sera pour un autre article 🙂
Dire également que je n’ai même pas eu l’heur d’écouter le fameux single (il n’est pas sur Spotify, bouh !), mais en traduisant Wikipédia on découvre qu’il serait « …espiègle, sérieux, élégant et poétique, et doté d’une puissance brutale – il est peu probable que vous entendrez cette année un album aussi débordant de maestria créative et d’inventivité musicale », ou encore « un ensemble de contes populaires, de chansons funéraires et de chansons où l’amour est comme piégé, enchevêtré… génial. » A priori, ça ressemble à album qui irait sur partie supérieure de mon graphique…
Justement, qu’en tirer comme conclusion vis-à-vis de ma mirifique théorie ? Les plus attentifs parmi vous aurons noté que je n’ai pas inclu DHALP dans mon graphique. En effet, PJ en a certes écrit les textes, mais j’estime que ma théorie ne peut tenir que si elle compose également. Notons par ailleurs que l’album fait moins de 40 minutes (exactement 38 min 07 s, soit 1 minute 47 de moins que DHALP 13 ans auparavant), mais reste plus long que White Chalk (33 min 57). Ce n’est pas encore aujourd’hui que PJ nous remplira un CD en entier (pour rappel, 74 minutes).
Je déclare donc cet album indemne face à ma prophétie (enfin, le contraire est plus vrai), et j’attends toujours le prochain album purement pjharveysque.
Hop, comment s’en tirer avec une pirouette ! 🙂
(photos et scans de cet article en provenance de jphuntley.co.uk et pj-harvey.net)
Thaïlande, janvier 2009
Pièce à conviction 1 :
Pièce à conviction 2 :
Pièce à conviction 3 :
Pièce à conviction 4 :