Je suis au coeur d’un dilemme. Grosso modo.
Je vous présente Spleen. Spleen est un artiste français qui est en train de faire son trou au moment même où je vous parle écrit. Autoproclamé (je suppose) « Nouvel enfant terrible du hip-hop français », il a remporté le troisième concours CQFD (Ce Qu’il Fallait Découvrir) du magazine Les Inrocks (souvenez-vous, le gagnant de la première édition était Syd Matters, une sorte de Sourya en plus mou), a sorti dans la foulée son premier album « She Was A Girl » et fait la première partie du 5 novembre du festival des Inrocks à La Cigale ainsi que le festival Indétendances de la Fnac, a tourné avec Keziah Jones, a chanté une piste (ou deux) de la BO des « Poupées Russes » , est super-pote avec CocoRosie et tout la bande des neo-folk/lo-fi/hippie-yeah actuels (Devendra Banhart, Antony & the Johnsons…), fait des concerts qui m’ont l’air bien sympathiques, et indique bien sur ses flyers et son site qu’il cherche un appart’.
Il a par ailleurs plusieurs cordes à son arc, vu qu’il fait également du théatre : on pouvait le trouver fin septembre/début octobre 2005 au Théatre des Abesses, jouant Jean-Michel Basquiat face à Denis Lavant (mais si, vous savez, celui qui joue un taré dans la vidéo « Rabbit In Your Headlight » de Unkle).
Par ailleurs, je ne suis en fait pas si éloigné que ça du gaillard. Car Spleen, c’est le rappeur du groupe Heez-Bus, c’est à dire probablement un pote de Claire et Hamilton, vu que Scarecrow (ancien nom de Meeting Quotations) et Heez-Bus ont partagé la cave du B’Art Alive, lors d’un des derniers concerts où nous avons été invités. C’est probablement lui qui avait, du coup, tenté ce soir-là une impro rappée avec le nouveau batteur de Scarecrow, commençant par « C’est un batteur / Il bat avec son coeur… ». Nonobstant cela, Heez-Bus a eu son petit succès, jusqu’à l’ile de la Réunion face à Asian Dub Fundation.
Mais encore, je crois bien avoir vu son album chez Mathieu ; se pourrait-il que son producteur, Jem, soit notre bon « James », dont je ne connais finalement pas le nom officiel ? Mmmh, p’tet que je cherche trop loin là… [update quelques semaines plus tard : si, c’est bien lui!]
Continuons : tout comme Claire, il a posé sa voix sur certaines pistes de l’album « If I… » du groupe (ou projet ?) Zerowatt, où officie aujourd’hui notre bon Édouard – qui doit d’ailleurs se débrouiller pour émuler toutes les voix mâles en live.
Bon, résumons-nous : Spleen est un jeune qui travaille sur son art, commence à être reconnu, et a croisé un bon nombre de mes connaissances, proches ou éloignées. Où se situe ce dilemme dont je parlais plus tôt ? C’est simple.
Sa reprise de Karma Police est à hurler de rire.
Entendons-nous bien : le bonhomme a une bonne voix, certainement de bonnes idées, et est enthousiaste. Rien de négatif là-dedans, et je lui souhaite tout le succès possible.
Mais mettons-nous en situation. Ma douce et moi nous trouvons en voiture, direction Meaux pour les 30 ans de mon grand frère. Probablement par overdose de FIP, nous avons mis Ouï FM, qui apparemment passe le samedi des sessions acoustiques. Fort bien. Le DJ de lancer, en gros, « Voici la version de Spleen de ‘Karma Police' ». En bons ex-fans de base de Radiohead, nous montons le volume pour mieux apprécier la chose. Guitare sèche, seule, les premiers accords commencent, un peu comme je le ferai sur la plage de La Londe.
Puis il se met à chanter.
Non, sérieusement, mettez-vous à notre place : même en étant ouvert d’esprit et tout, Radiohead, c’est des chansons humbles et un chant épuré. Là, notre bon ami nous a fait une reprise avec une voix tellement grave et profonde qu’à côté même Arthur H. peut donner l’impression de n’avoir jamais fumé. Oui, ce n’est pas un chant grave, mais plutôt fumeux – j’essaye de l’imiter, je m’assèche la gorge en deux secondes et suis obligé de tousser.
Surtout, connaissant apeuprè les capacités lyriques vocales du personnage, je me doute que c’est voulu : il aurait très certainement pu reprendre un chant plus aigu, mais a choisi, pour _sa_ version, de faire du Tricky puissance 10. Et, sachant cela, forcément, je me dit, « poseur ».
Oui, je me rend compte que traiter de poseur quelqu’un qui se fait appeler Spleen peut sembler être une évidence (je n’y peux rien, dans mon esprit « spleen » = Baudelaire, et quiconque tenterait de se l’approprier… bref), mais voilà, c’est la pensé qui m’est venue en écoutant cette version.
Pour LN, c’était une autre pensée. J’ai dû lui affirmer que oui c’était très sérieux, non le chanteur ne faisait pas une blague – le petit beat-box final l’avait convaincue que Spleen détournait la chanson à des fins probablement ironiques. Cela dit, c’est peut-être le cas, hein…
Donc nous y voilà. Je me mets probablement Spleen à dos en tapant cela, et avec lui quelques potes proches et éloignés, tout en m’interdisant toute velléité future d’intégrer le monde de la musique et de montrer mes non-talents de chanteur au monde, mais hop, tant pis.
Cher Spleen, bien malgré toi tu nous as mis un grand sourire aux lèvres pendant 5 minutes, au point de me faire presque rater ma sortie d’autoroute, et pour cela, nous te remercions.
Spleen, « She Was A Girl« , 18,28€ à la Fnac.